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Photo du rédacteurMathilde HUMETZ

LES CLAUSES OBJECTIVES EN DROIT DU TRAVAIL

Prévues dans le contrat de travail ou dans un document annexe, ces clauses fixent les objectifs professionnels que le salarié devra réaliser dans un délai imparti en contrepartie d’une prime d’objectifs fixe ou d’une part variable de rémunération.


Pour le salarié, l’intérêt d’une contrepartie financière est certain et la fixation d’objectifs professionnels représente généralement une source de motivation pour certains salariés.


Pour l’employeur, il s’agit d’une garantie de l’implication professionnelle du salarié.


Ces clauses qui concernent principalement les cadres, peuvent s’appliquer à tous les salariés.


Comment les mettre en place ?


Pour opposer une clause d’objectif à un salarié, deux hypothèses sont envisageables :


  • Fixation contractuelle des objectifs : la clause est directement insérée dans le contrat de travail du salarié, en définissant précisément le type d’objectifs, les modalités d’application et de révision de la clause. Cette hypothèse est contraignante pour l’employeur, qui ne pourra pas modifier unilatéralement la clause, au risque que le salarié résilie ou prenne acte de la rupture du contrat de travail aux torts de son employeur.

  • Fixation unilatérale des objectifs : le salarié accepte le principe même d’être soumis à des objectifs professionnels dans son contrat de travail. Cependant, le type d’objectifs, leurs modalités d’application et de révision sont déterminés unilatéralement par l’employeur dans un document annexe. Cette seconde hypothèse offre davantage de liberté à l’employeur, notamment quant à son pouvoir de direction. Il devra préalablement informer le salarié des objectifs professionnels à atteindre. Pour le salarié, c’est une situation moins confortable. En effet, ayant accepté le principe même de la clause, il ne pourra refuser de s’exécuter en arguant d’une modification unilatérale de son contrat de travail. Ici, il s’agit donc d’un simple changement des conditions de travail. La rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié produirait alors les effets d’une démission.


Quel contenu ?


Quel que soit le mode de fixation des objectifs, la clause du contrat de travail doit respecter trois conditions cumulatives afin d’être opposable au salarié :

  • Les objectifs doivent être réalistes au regard des moyens et délais accordés, raisonnables et compatibles au regard des compétences du salarié. La jurisprudence apprécie également la compatibilité des objectifs avec l’état du marché.

  • La clause ne doit pas être potestative au sens de l’article 1304-2 du Code civil : elle ne doit pas dépendre de la volonté d’une seule partie.

  • Le salarié doit avoir accepté le principe même des objectifs professionnels par une clause insérée dans son contrat de travail. Il s’agit d’une acceptation expresse constituée par une signature et des paraphes.

Si la clause ne réunit pas l’une de ces trois conditions, elle est inopposable au salarié.


Quelles sont les modalités de la contrepartie financière ?


La contrepartie financière peut être constituée soit par une prime dont le montant est fixe, soit par une partie variable de rémunération versée mensuellement ou périodiquement. De plus, elle peut être versée à différents stades de la relation contractuelle :

  • progressivement en fonction des objectifs atteints ;

  • une fois que les objectifs ont finalement été atteints.


Son mode de fixation dépend généralement du mode de fixation des objectifs professionnels.


Lorsqu’elle est fixée contractuellement, la moindre modification pourra constituer une modification unilatérale du contrat de travail.


Lorsqu’elle est fixée unilatéralement, l’employeur est tenu d’une obligation de transparence quant à son calcul. En effet, il devra informer les salariés des éléments objectifs qui auront permis d’en déterminer le montant.


Le salarié qui n’atteint pas les objectifs fixés ne pourra pas prétendre au versement de la prime. En effet, l’employeur pourra lui opposer l’exception d’inexécution prévue par l’article 1219 du Code civil.


Il convient néanmoins d’apporter quelques précisions jurisprudentielles, tant le régime de ces primes est complexe :

  • Lorsque le contrat de travail du salarié prévoit qu’une part variable de rémunération dépend des objectifs fixés annuellement par l’employeur, ce dernier a l’obligation de les déterminer. En cas de manquement, la prime sera due au salarié et il appartiendra aux juges d’en déterminer le montant au regard des critères et accords des années précédentes. (Cass, Soc., 19 novembre 2014, n°13-22.686)

  • L’employeur qui estime que la prime n’est pas due au salarié doit rapporter la preuve que les objectifs fixés étaient réalisables. (Cass, Soc., 15 décembre 2021, n°19-20.978)

  • Pour éviter de porter atteinte au principe de proportionnalité des rémunérations, l’employeur qui fixe le montant de la prime d’objectifs doit prendre en considération les différences de durée du travail entre les salariés. (Cass, Soc., 4 décembre 1990, n°87-42.341)

  • Afin d’éviter toute discrimination syndicale, les représentants du personnel ne doivent pas subir de diminution ou de suppression de leur prime d’objectifs en raison des heures de délégation effectuées. (Cass, Soc., 2 juin 2004, n°01-44.474)

  • La prime d’objectifs est prise en compte dans le calcul du minimum conventionnel dès qu’elle devient un élément permanent et obligatoire de la rémunération. (Cass, Soc., 3 juillet 2019, n°17-18.210)

  • La prime est due au salarié qui a atteint ses objectifs professionnels même si son contrat de travail est rompu au moment de son versement. (Cass, Soc., 29 septembre 2021, n°19-25.849)

  • La suppression d’une prime d’objectifs en raison de faits considérés comme fautifs par l’employeur constitue une sanction pécuniaire, interdite par l’article L.1331-2 du Code du travail. (Cass, Soc., 4 juin 1998, n°95-45.167)


Au vu de ces éléments, il conviendra d’être particulièrement vigilant quant à la mise en place et au versement de la prime d’objectifs. Le risque de contentieux est important.


Quel est l’état de la jurisprudence ?


Les clauses d’objectifs dans les contrats de travail ont connu une importante évolution jurisprudentielle.


En effet, la jurisprudence antérieure appliquait strictement le droit des contrats en faisant peser sur le salarié une obligation de résultat. En conséquence, le salarié qui ne réalisait pas les objectifs fixés pouvait être licencié pour insuffisance de résultat.


Pourtant, l’inexécution de la clause par le salarié pouvait s’expliquer par des motifs qui ne lui était pas imputables, comme celui d’une conjoncture économique défavorable. (Cass, Soc., 18 mars 1986, n°83-42.191)


La Cour de cassation effectuait un revirement de jurisprudence en 1999, considérant que la clause d’objectifs ne pouvait faire office de motif préconstitué de licenciement.


Aujourd’hui, le licenciement pour insuffisance de résultats est strictement encadré par la jurisprudence.


En effet, l’employeur devra rapporter des éléments objectifs et matériellement vérifiables permettant d’établir que le salarié, n’aura pas, de son fait, atteint les objectifs fixés.


La notion de faute du salarié est devenue un élément déterminant du bien-fondé de ce licenciement.


Il ne s’agit donc plus d’une obligation de résultat mais bien d’une obligation de moyens mise à la charge du salarié.


En résumé, l’employeur qui souhaite licencier un salarié pour insuffisance de résultats doit rapporter :

  • Que l’inexécution est imputable au salarié (par exemple, en comparant la performance de ce salarié avec d’autres placés dans la même situation),

  • Qu’il existe un écart significatif entre les objectifs acceptés et ceux réalisés.


A défaut, le licenciement ne sera pas fondé sur une cause réelle et sérieuse.


La jurisprudence est désormais constante en ce que l’insuffisance de résultat « ne constitue pas en soi, au regard des seuls objectifs fixés par l’employeur, une cause réelle et sérieuse de licenciement ». (Cass, Soc., 3 février 1999, no 97-40.606)


Précisions supplémentaires :

Les objectifs fixés doivent être communiqués au salarié en français, ou être suivis directement d’une traduction en français.

L’employeur doit fixer les objectifs professionnels en début d’exercice, et non lorsqu’il a pris connaissance des performances du salarié en cours d’exécution du contrat de travail. (Cass, Soc., 8 avril 2021, n°19-15.432)

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